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Le pacte vert des nouveaux chimistes

Revoir les procédés

Le professeur Jean Lessard dirige le Laboratoire de chimie et d'élec­trochimie organique de l'UdeS. Il est connu pour ses travaux en chimie des radicaux et en électrochimie.
Le professeur Jean Lessard dirige le Laboratoire de chimie et d'élec­trochimie organique de l'UdeS. Il est connu pour ses travaux en chimie des radicaux et en électrochimie.

«La synthèse de produits chimiques consiste à construire des molécules complexes en faisant réagir des produits entre eux», explique Jean Lessard, qui dirige le Laboratoire de chimie et d'élec­trochimie organiques à l'UdeS. De tout temps, les chimistes ont cherché à obtenir de nouveaux produits en un minimum d'étapes. Cette préoccu­pation était essen­tiellement d'ordre économique : les effets secondaires des solvants (éther, chlore, etc.) ou la quantité de déchets produits au cours de la fabrication comptaient peu dans l'équation. «Aujourd'hui, on commence à tenir compte des conséquences environ­nementales», affirme Jean Lessard, qui a longtemps collaboré avec le «père» de la chimie verte au Canada, Tak-Hang Chan, professeur émérite de chimie de l'Université McGill.

Une des approches de la chimie verte est de créer de nouvelles manières de faire réagir les éléments en utilisant, notamment, des solvants plus écologiques. Le plus commun est l'eau, qui a pourtant été très longtemps négligée dans les laboratoires. «Elle sert à la fois de solvant et de source pour fixer de l'hydrogène sur des molé­cules par catalyse, explique Jean Lessard. C'est le genre d'approche qui intéresse la chimie verte : on veut fabriquer de grandes quantités de produits avec un minimum d'éléments accélérant le processus.»

La chimie verte cherche aussi à réduire la quantité de résidus issus de la fabrication. Voici un exemple évocateur : en 1990, la production d'un kilo de Viagra générait, à elle seule, 600 kg de déchets. Par des procédés de chimie verte, Pfizer a réussi à ramener le poids des résidus à moins de 1,5 kg par kilo de Viagra!

Christian Nadeau est chargé de re­cherche en chimie au Centre de recherche théra­peutique de Merck-Frosst à Montréal.
Christian Nadeau est chargé de re­cherche en chimie au Centre de recherche théra­peutique de Merck-Frosst à Montréal.

«La recherche de processus verts est devenue la norme dans le secteur pharmaceutique», assure Christian Nadeau, chargé de recher­che en chimie au Centre de recherche théra­peutique de Merck-Frosst à Montréal. Ce diplômé de l'UdeS est entré au département de chimie des procédés dès la fin de sa maîtrise en chimie, obtenue en 2003. «Quand une nouvelle molécule phar­maceutique est découverte, mon rôle est de faire passer sa production de la micro-échelle à l'échelle industrielle», dit-il.

L'entreprise Merck-Frosst a réussi à faire passer de 250 à 50 kg la quantité de déchets liés à la production d'un kilo d'Emend, un médicament qui aide à lutter contre la nausée due à la chimiothérapie. «Nous avons diminué de moitié les synthèses, inventé de nouveaux procédés et éliminé l'usage de substances qui sont dangereuses pour les techniciens», dit Christian Nadeau. La compagnie a aussi divisé par six les quantités d'eau tout en stabilisant les températures de réaction. «Les processus de chimie verte sont complexes à élaborer, mais en fin de compte, tout le monde est gagnant : le consom­mateur, l'industrie et l'environ­nement», souligne-t-il.